Description

pourquoi le gouverneur de la bceao est toujours ivoirien ?

### Pourquoi le gouverneur de la BCEAO est-il toujours ivoirien ?

La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est une institution financière clé pour une douzaine de pays d’Afrique de l’Ouest. Son gouverneur, nommé par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la UMOA (Union Monétaire Ouest Africaine), joue un rôle stratégique non seulement pour ces nations, mais aussi pour leur stabilité économique. Un point particulièrement intéressant est celui de la constance du profil du gouverneur de la BCEAO : il est systématiquement originaire de la Côte d’Ivoire.

#### Une question de hiérarchie politique et d’histoire

Pour en comprendre les raisons, nous devons remonter au début de l’histoire de la BCEAO. Créée en 1961, la BCEAO était initialement pilotée par des experts français. L’ivoirien Abdoulaye FADIGA devient son premier gouverneur en 1983. Fils d’un imam, naitu à Touba, il a connu une éducation variée alliant coranique et classique. Son parcours académique l’a conduit en France, où il a acquis une solide formation en droit et en économie.

La première nomination d’un Ivoirien à cette position clé était en grande partie due à une combinaison de facteurs historiques. La Côte d’Ivoire jouait alors un rôle dominant dans la dynamique politique régionale, profitant de sa stabilité par rapport à d’autres pays de l’UEMOA. L’ivoiriens s’étaient également distingués par leur capacité économique et managériale sur le plan financier.

Aussi, il faut aussi voir en jeu des considérations géopolitiques. La France, alors reste influente dans le pays, avait soutenu la candidature de FADIGA. Cette cooptation reflétait une volonté d’incarner l’autonomie politique de la région tout en conservant des liens avec un pays considéré, en partie, comme un soutien allié stratégique.

#### La crise politique et le gouverneur de la BCEAO

Au cours des années suivantes, cette tradition de désigner un Ivoirien pour le poste du gouverneur a été en partie influencée par une série d’événements importants. Les années 2000 ont été marquées par une grande instabilité politique en Côte d’Ivoire, avec deux guerres civiles et une crise politique pertinente. Cela a mis en évidence l’autorité du gouverneur de la BCEAO en tant qu’une figures respectées – même dans les moments les plus difficiles du pays.

La crise politique de 2010-2011, une période où le pouvoir a été disputé par deux camps principaux, a remis en lumière la nécessité de l’indépendance économique du pays. À cette époque, l’ivoirien Philippe-Henri DACOURY-TABLEY était en poste. Les sanctions économiques imposées par l’Union africaine et la communauté internationale, puis l’embargo financier au niveau de la BCEAO, ont fait du gouverneur de la BCEAO une figure centrale dans la résolution des conflits.

La prise par les États membres de la BCEAO, en tant que chefs d’État, de décider du gouverneur de l’institution, les encourage à former un consensus autour du choix d’un Ivoirien. Cette praxis est également influencée par une solide tradition des relations politiques entre les élites ivoiriennes et les autres pays membres, notamment par le biais de familles établies et d’un réseau de relations commerciales.

#### Tiémoko Meyliet KONE : le gouverneur actuel et ses défis

Aujourd’hui, Tiémoko Meyelet KONE, lui-même ivoirien, prend la relève. Il est nommé gouverneur en 2012, après la période d’instabilité politique. Alors que ses prédécesseurs ont dû faire face à des situations en voie de résolution, Tiémoko Meyelet KONE doit désormais naviguer dans un contexte plus stable, mais non pas sans défis. Il fait face à des questions essentielles concernant la monnaie unique de la BCEAO, la gestion de la désinflation, et la stabilité financière de la zone franc CFA.

#### Concurrence et diversité des candidats

Ce choix, régulièrement controversé, attire régulièrement des accusations de discrimination, d’absence de merite relatif et des considérations de « franchir la barrière » plutôt que « l’expansion d’un cadre diversifié ». Malgré cela, le gouverneur de la BCEAO est toujours un citoyen ivoirien, ce qui en fait pour partie une figure importante nationale.

Cette praxis peut sembler surprenante du dehors. En dépit de la diversité des profils et des compétences potentiels des candidats de pays comme le Burkina Faso, le Mali ou le Sénégal, la place prédominante de la Côte d’Ivoire dans la BCEAO est largement reconnue et respectée par les instances politiques et économiques des autres pays membres de la zone.

Au-delà de simples conventions politiques, cette tradition révèle aussi la place exceptionnelle de la Côte d’Ivoire dans l’histoire de l’UEMOA, son savoir-faire économique et financier reconnu et sa capacité à jouer un rôle de stabilisation régionale.

#### Conclusion

Le gouverneur de la BCEAO est toujours un Ivoirien, reflétant à la fois un passé politique et économique spécifique et un système politique complexe où la tradition et le réseau jouent des rôles majeurs. C’est une décision qui soulève parfois des questions à propos de l’égalité des chances et de la diversité des candidats potentiels, mais aussi un rappel de l’importance de la stabilité et de la confiance dans un cadre régional complexe.

En conclusion, malgré les critiques, cette tradition persiste. Elle témoigne de l’expertise et de l’influence de la Côte d’Ivoire au sein de l’UEMOA et à l’intérieur de l’Afrique. Le choix d’un ivoirien au poste de gouverneur de la BCEAO, même si cela reste un sujet sensible, reflète après tout une capacité à gérer une institution économique de premier plan, tout en affinant le dialogue régional au-delà des frontières nationales.